Il est tôt. Ça discute dehors. 6h30. Vraiment tôt. Mais motivée ! Hop ! Je me lève, fais chauffer l’eau pour un café. Il a fait froid cette nuit et il fait encore froid ce matin.
Je commence à ranger mes affaires dans mon sac. Je sors de la tente, la démonte, la plie et l’accroche à mon sac. Je suis prête. Enfin presque. J’ai encore quelques bricoles à mettre dans mon sac mais il est déjà 7h40. L’heure de partir pour être à l’heure au bus. Je fourre tout ça dans un grand sac Bonus et je verrai plus tard pour les caser dans mon sac à dos.
Nous arrivons devant le centre d’information. Le bus 4×4 est là. Nous chargeons nos gros sacs dans le coffre. Les seuls gros sacs… Toutes les autres personnes n’ont qu’un petit sac à dos. Ils partent pour la journée. Nous partons pour 5 jours.
Nous montons dans le bus, nous partons. Le ciel est un peu gris mais il n’y a pas de brume. Nous pouvons voir toutes les montagnes aux alentours. Nous suivons d’abord la route n°1 puis nous bifurquons sur une piste.
Le paysage devient exclusivement minéral. De la lave, de lave à perte de vue. Le bus arrive devant une rivière. Elle n’est pas très haute, nous la traversons.
Le bus fait une pause ici. Nous descendons pour nous dégourdir les jambes…
… et admirer le paysage. Au loin, Herðubreið se dessine. Pas de brume aujourd’hui, la montagne est visible en entier, ce qui n’est pas si courant. Herðubreið… le point de départ de notre trek.
Le bus repart. Nous roulons encore quelques minutes, le bus serpente dans le champ de lave qui s’étale à perte de vue. La piste, la poussière.
Nous arrivons à Herðubreið. Nous récupérons nos sacs et allons directement voir le gardien du refuge pour lui signaler notre présence et l’informer de notre parcours. Il a l’air un peu détaché de tout ça… ‘Öskjuvegur ? Oui, super. Bon voyage !’ Euh… Oui mais quand même, on aimerait avoir quelques précisions. On ne part quand même pas en balade ! Nous posons nos questions. La météo s’annonce plutôt bonne. Ce sera un peu plus couvert demain mais il fera aussi plus chaud. Peu de neige en haut d’Askja. C’est une bonne chose. Et le col de Jónsskarð ? Comment ça se passe là-haut ? D’après mes recherches, c’est le point délicat de notre deuxième étape : 1280m, il peut y avoir du vent, de la neige. ‘Non, peu de neige là-haut aussi et pas de coup de vent prévu dans les prochains jours’. Bien… Enfin, c’est ce que je pense à ce moment là. A l’entendre, on part pour une promenade de santé… Nous ne sommes pas dupe…
Nous lui parlons de notre point d’arrivée. Nous voulions terminer à Svartárkot mais c’est loin de la route n°1 et nous n’avons pas trouvé de pick-up. Il réfléchit, passe un coup de fil et griffonne un numéro de téléphone sur un bout de papier. C’est celui de quelqu’un qui peut nous arranger un pick-up là-bas. Cool ! Nous ne savons pas encore où nous terminerons notre périple mais au moins, nous avons maintenant le choix entre deux solutions : Svartárkot, le chemin le plus court, ou Sellandafjalls. Mais cela signifie marcher un jour de plus et camper une nuit en sauvage, au bord d’une rivière. A voir… Nous déciderons plus tard.
Dernière question : qu’en est-il de l’eau dans les refuges ? Des bidons pour récupérer l’eau de pluie dans le premier et ‘full water’ à Dreki. Étant donné qu’il a plu cette nuit, il devrait y avoir de l’eau au refuge de Bræðrafell ce soir. Mais y en aura-t-il assez ? Nous décidons quand même de garder de l’eau en rab. Je prends 3,5 litres. 3,5kg en plus sur le dos… C’est lourd, dans un sac déjà bien lourd. Mais nous préfèrons être prudentes. On s’aventure dans une région ou chaque détail compte et où la prudence est de mise. Un endroit qui répond aux règles de l’imprévisible.
Un passager du bus vient nous voir et nous demande si nous allons marcher. Oui. Il enchaine les questions. Combien pèsent vos sacs ? Ils sont lourds. Quel parcours allez-vous faire. Le Öskjuvegur, nous détaillons les étapes. Pour finir la conversation, il nous souhaite bonne route. Tout comme le chauffeur du bus que nous croisons. Lui rajoute que nous devons être prudentes : il y a deux jours, il a neigé à Askja.
Pour le moment, il pleut un peu. Nous enfilons nos habits de pluie, ajustons les sacs et partons. Nous croisons les gens qui étaient dans le bus avec nous et qui eux, remontent dedans. Ils continent en direction d’Askja. Ils nous regardent, un peu intrigués… Mais que font deux nanas avec un gros sac au milieu de ce paysage de désolation ??
Face à nous, Herðubreið et le premier piquet qui marque le chemin dans la lave. C’est parti, direction Bræðrafell !
Nous devons contourner la montagne. Mais d’abord, il faut s’en approcher et arriver au pied. Autour de nous, un paysage minéral. Noir, gris, marron. Seuls les piquets qui marquent les différents chemins de randonnée apporte une petite touche de couleur.
Nous avançons dans ce désert de lave. Les repères sont difficiles. La lave cordée s’étale sous nos pieds. C’est joli mais ce n’est pas le terrain idéal pour marcher.
Nous voici au pied d’Herðubreið. Majestueuse montagne aux flancs marrons, bien plus chaotique de près qu’elle n’y parait de loin.
Nous devons maintenant la contourner. Ce sera long. La montagne est imposante, large. Tout autour, rien. Le vide, le néant. La lave.
Y a quelqu’un ??
Nous longeons encore un peu la montagne. Cette fois, la lave est remplacée par un sable marron, parsemé de petites pierres colorées : blanc, jaune, orange…
J’ai faim. Nous avançons encore un peu et nous nous posons quelques instants pour manger. La pluie a cessé, il faut en profiter. De ce coté de la montagne, le sol est recouvert de pierres et de petits rochers. Finalement, quelle variété dans ce désert de lave !
Au loin, sombres et mystérieux, les contre-forts d’Askja…
Je suis un peu fatiguée : mon sac est vraiment lourd, je peine un peu à avancer. La mise en jambe du premier jour, ça ira mieux demain.
Nous repartons et finissons de contourner la montagne. De nouveau du sable, de nouveau des pierres puis une étendue de lave plus compacte. Et pour finir, un immense champ de lave. La coulée est impressionnante, très haute. C’est une succession de petites collines. Dingue… Je commence à prendre conscience de la force des éléments ici… Ça a dû bien cracher à une époque !!
Herðubreið est maintenant derrière nous. Le Vatnajökull un peu plus sur la gauche…
puis Askja. Et face à nous, Bræðrafell. Notre point d’arrivée. C’est encore loin…
Cette fois, il pleut des cordes. A nos pied, des flaques d’eau se forment dans la lave. Nous enjambons les cuvettes. A nouveau ce paysage lunaire et irréel. C’est noir mais superbe. Tel que je me l’étais imaginé.
La dernière ligne droite est vraiment dure. On a mal aux pieds, le sac pèse de plus en plus sur les épaules. Tenir. La pluie se calme puis cesse. Enfin nous apercevons le refuge au loin. Un petit toit rouge au pied de la montagne.
Nous retrouvons des forces. Ah ! Nous pourrons bientôt poser notre barda ! Et nous y voici : le refuge de Bræðrafell !!
Un refuge ‘basique’ parait-il. Nous tirons les loquets, ouvrons la porte. Bonheur… Il est parfait. Le paradis après cette longue journée de marche. Basique, oui. Il n’y a que l’essentiel. Mais pour nous aujourd’hui, le moindre petit bout de confort est un luxe. Un réchaud avec du gaz pour cuisiner. Un petit poêle pour se chauffer. Quelques couvertures sur les lits et…. des oreillers !!! Nous sortons, faisons le tour du refuge pour aller chercher de l’eau. Et là, de chaque coté du bâtiment, deux bidons remplis à ras bord !!!
Et dire qu’on a porté toute cette eau alors que ce n’était pas indispensable… Nous allons chercher de grandes casseroles pour les remplir et avoir de l’eau fraiche pour cuisiner ce soir. Les bidons sont gros et plein : impossible de les soulever ! Je vais chercher une louche dans le refuge. Trop grosse, elle ne rentre pas dans le bidon. Toute cette eau que l’on ne peut pas récupérer… Il va falloir ruser. Edwige tient la casserole tandis que je donne des coups secs sur le bidon pour en faire sortir l’eau par à coup, à défaut de pouvoir la déverser en penchant le bidon. Ça marche. Je m’arrose un peu le pantalon mais nous arrivons finalement à remplir la casserole et même à pencher le bidon à la fin.
Nous rentrons dans le refuge. Il fait frais, nous allumons le poêle. A notre disposition des journaux, un sac rempli de petits bois. Le feu part vite et la chaleur se répand rapidement dans la pièce. Nous étalons nos affaires pour les faire sécher, accrochons nos vêtements mouillés au-dessus du poêle.
J’ai l’impression d’être au paradis ! Entre la nuit bien fraîche à Myvatn et la pluie de cet après-midi, cela fait du bien d’être au chaud !
Apéro cognac. Réconfort après l’effort.
Préparation du diner. Soupe, pâtes, chocolat.
Dehors, le ciel s’est dégagé au-dessus d’Herðubreið et d’Askja. Nous restons un peu dehors pour admirer le paysage. Je n’en reviens pas, cet endroit est tellement irréel ! Et beau… paisible… du moins en apparence… N’oublions pas que nous sommes sur un champ de lave, à deux pas des volcans…
Retour dans le refuge. Il est vraiment agréable, on resterait bien une semaine ici, même si nous sommes loin de tout. Ici, le ravitaillement en gaz, bois, etc… se fait en motoneige l’hiver ou à dos d’homme l’été. Mieux vaut ne rien oublier et il faut ensuite savoir être économe.
Demain, nous partons pour Dreki. Nous arriverons alors au pied d’Askja… Cette fois, le refuge sera accessible par une piste, nous risquons donc de croiser des touristes. Mais je suis quasiment certaine d’une chose : nous seront les deux seule barjots à marcher.