2h, heure pingouin. Je prends mon tour de garde. J’ai réussi à dormir un peu avant, le réveil n’est donc pas si dur. J’enfile mon bonnet, mes gants, ma veste. J’attrape mon carnet, mon livre et mon appareil photo. Et bien sûr, l’équipement du garde : Mister pingouin et le pistolet d’alarme.
Le temps est brumeux mais il ne fait pas si froid que cela.
Finalement, je ne lirai pas et je n’écrirai pas non plus. J’observe le paysage et je marche. Je monte sur la butte qui est près du camp pour scruter les alentours, à l’affût de l’ours.
Tout est calme. Seules les sternes s’affolent de temps en temps, lorsqu’une mouette vole un peu trop près de leur poussin. Je ne reste pas complètement seule durant ma garde… Le labbe à longue queue qui est déjà venu nous rendre visite rode autour du camp. Il tente même une incursion dans la tente messe tandis que je suis sur la butte. L’animal est vraiment fourbe !
4h, heure pingouin. Mon tour de garde est terminé, je passe le relai et je retourne dormir.
Au petit matin, tout le monde est déjà levé quand j’ouvre un œil. Ce deuxième réveil est nettement plus dur pour moi.
Nous partons. Aujourd’hui, nous allons longer les rivages, pour aller tout au bout de la péninsule, au cap. Une petite balade tranquille qui fera du bien après la montée d’hier.
Nous partons dans le sens opposé des autres jours, laissant le glacier loin derrière nous.
Nous suivons la mer…
… avant de continuer dans la moraine. Plus nous avançons, moins le sol est rocailleux. Encore un peu de patience et un jour, ce sera une belle toundra ici.
Une anecdote moins drôle : il y a 60 ans, le glacier arrivait jusqu’ici et continuait jusqu’au cap… Il est bien loin maintenant…
Et justement, nous arrivons au cap. Une fine langue de terre qui s’avance dans la mer. En fonction des marées, elle peut être recouverte par la mer. Là, nous arrivons au bon moment.
Nous avançons un peu plus loin sur la plage où nous cherchons un endroit pour déjeuner. En chemin, nous ramassons fragments d’écorces de bouleau et petit bois pour faire un feu. Voici qui devrait bien nous réchauffer !
Tout autour de nous, la toundra est jonchée de vestiges.
Dont une mystérieuse boite…
… qui s’avère être… un piège à ours ! Et oui ! Car dans cette petite boite était calé un fusil. Seul le canon en sortait par un petit trou, d’où sortait également un fil de fer. La crosse du fusil était relié à celui-ci alors qu’à l’autre bout était accroché un morceau de phoque. Lorsque l’ours approchait, attrapait l’appât à l’extérieur de la boite et tirait sur le fil de fer, le coup partait et tuait l’ours d’une balle en pleine tête. Simple et efficace.
Durant le déjeuner, notre hôte habituel s’invite à la table. Le labbe à longue queue. Comme à son habitude, il rôde et vient grignoter les quelques miettes qui jonchent le sol. Je tente de l’amadouer pour qu’il vienne picorer dans ma main… En vain.
Retour au camp par la moraine. Nous passons à proximité d’un lac où un renne a terminé sa course : son squelette repose dans l’eau, la tête posée sur la rive.
Un peu plus loin, le long d’une rivière, un (sous)sol tout en courbe.
Nous continuons dans les creux et les bosses. Où, en les surplombant, on imagine bien comment un animal peut facilement se cacher et arriver à l’improviste.
Et d’ailleurs, un peu plus loin, à quelques mètres de notre camp, une trace. Énorme. Récente.
Pour vous donner une idée de sa taille, elle fait presque deux fois mon pied. certes, je chausse un petit 36 mais quand même… Un peu plus loin, une seconde trace toute aussi fraîche. Elle semble se diriger vers notre camp.
Arrivés là, nous scrutons la mer pour voir si l’animal se cache par là. Rien. Notre guide attrape les jumelles, scrute les alentours et va faire le tour des petites buttes qui encerclent le camp. Rien. Mais il est certain que les traces datent d’aujourd’hui. L’ours aurait soit longé la moraine pour partir par le glacier, soit il aurait traversé la moraine pour repartir par la mer. Sans passer par notre camp, où nous de trouvons aucune trace, pour le moment. Mais la journée n’est pas terminée…
Avant le dîner, nous improvisons un petit jeu. Nous dessinons des strates sur le sol, chacune étant associée à un nombre de points. Le but du jeu : par équipe, lancer une pierre dans les strates et arriver les premiers au score de 30 points, sans le dépasser.
Ce petit jeu me rappelle un peu la partie de pétanque improvisée au bord d’un glacier Groenlandais, alors que nous attendions le zodiac qui tardait à venir nous récupérer.
Ce soir, repas de fête : tortellinis, fromage et pancakes. Festin !
Nous partons ensuite nous coucher, au son du glacier qui gronde…