Ce matin, le réveil est difficile. La fatigue commence sérieusement à se faire sentir. Dehors, on entend discuter les premiers levés. Je sors de la tente et découvre le sujet de cette discussion : l’un d’entre eux a fait une bien belle pèche !
Mais comment a-t-il fait sans canne à pèche… ? L’explication est très simple : hier soir, il est descendu en bas, au bord de la rivière. Après avoir vu autant d’ombles chevaliers dans les rivières durant notre journée de marche, il était évident qu’il devait y en avoir ici aussi. Un peu plus loin, il a trouvé un bout de filet et l’a posé à l’embouchure de la rivière. Les mailles étaient très grosses, il y avait peu de chance que ça marche. Ce matin, il est descendu voir et là… il a découvert 12 poissons coincés dans son filet !! Incroyable ! La pèche était un peu trop bonne et il a relâché ceux qui étaient encore vivants pour ne garder que les deux plus gros. Voilà qui augure d’un bon repas !
Je retourne dans la tente pour ranger mes affaires. Ce matin, c’est poussif. Je range et sors mes affaires plusieurs fois de mon sac avant d’être à peu près satisfaite du résultat. Mais ce n’est pas parfait mais cela fera l’affaire.
Nous partons. Aujourd’hui, nous allons à nouveau marcher sur un glacier, pour passer un col et rejoindre le fjord Sermilik. Nous attaquons la montée, dans l’herbe d’abord. Derrière nous, quelques nuages s’accrochent au sommet des montagnes. Serait-ce l’annonce d’un changement de temps ?
Rapidement, nous arrivons à la moraine. Cailloux, le retour… Stables, instables, comme toujours, c’est variable. Lentement, nous avançons au milieu de ce dédale.
Je peine un peu aujourd’hui, je sens bien la fatigue. J’avale coup sur coup mes trois barres de céréales, pour me donner un peu d’énergie. Nous continuons et arrivons au pied du glacier. Mes chevilles sont bien contentes de quitter les cailloux.
Là, nous faisons notre pause déjeuner.
Un peu plus bas, au bord de l’eau, notre pêcheur découpe le poisson tout frais de ce matin en fines lamelles. Il sera servi en carpaccio.
Une fois le déjeuner terminé, nous enfilons nos baudriers et chaussons les crampons. La suite se passera sur la glace.
Nous prenons la direction du col et cela commence par une lente montée. Nous progressons petit à petit, cernés par de belles montagnes grises. A l’exception du ciel bleu, notre environnement du jour est tout en noir et blanc.
Sur notre chemin, les crevasses sont à nouveau bien présentes, ce qui nous rappelle à l’ordre coté vigilance. Ce n’est pas le moment de se perdre dans nos pensées !
Un petit groupe a pris un peu d’avance. Nous les voyons s’arrêter en haut de la côte et fixer l’horizon.
Nous arrivons à leur hauteur et découvrons ce qui les fascinait autant… Le fjord Sermilik et une mer d’iceberg s’étend devant nous. C’est tout à fait l’une des images qui vient à l’esprit quand on pense au Groenland. Le spectacle est à couper le souffle et il faudrait presque se pincer pour être sûr de ne pas rêver… L’émotion submerge certains au point même de verser une larme. Nous sommes fatigués mais HEUREUX !
A notre tour, nous restons quelques minutes pour profiter de la vue, avant de descendre vers le fjord.
Nous continuons un peu sur le glacier, qui, ici, change de forme et prend un petit air de mer, avec ses vagues de glace successives. A nouveau, le chemin est parsemé de belles crevasses…
Bien sûr, après la glace vient la moraine. Nous nous arrêtons quelques instants pour faire une pause. Et là, je sombre… Je m’assoupis sur les cailloux, pour une sieste de quelques minutes. Ok… je suis bien fatiguée, c’est indéniable…
Nous retirons les crampons et repartons dans ces saletés de cailloux. Grrr ! C’est la dernière ligne droite mais cela devient vraiment dur. La fatigue est là et j’ai du mal à me concentrer et à ne pas trébucher. J’avance à la vitesse d’une tortue. Heureusement, ce passage rocailleux ne sera pas très long et nous arrivons enfin à l’endroit où nous allons planter les tentes. Face à la mer et aux icebergs. Ce soir, le spectacle sera grandiose !
Mais avant toute chose, je me pose quelques minutes sur un rocher, histoire de souffler un peu et de reprendre mes esprits. Mais très vite, il s’envole à nouveau et se perd dans ce paysage…
Seul bémol : il faut marcher un moment pour trouver de l’eau. Un convoi de quelques personnes s’organise pour aller faire le plein pour ce soir.
Nous dînons ensuite un peu plus haut, à l’abri du vent. Tout le monde est silencieux. La fatigue et quelques douleurs par-ci par-là y sont pour beaucoup, mais pas seulement : tout le monde a les yeux rivés sur la mer, pour admirer le coucher de soleil. Aucun mot n’est assez fort pour décrire le spectacle auquel nous assistons.
En fin de repas, notre pêcheur de ce matin disparaît quelques instants. Il descend au bord de la mer et revient avec son gobelet rempli de glace d’iceberg. Nous sommes tous intrigués. Il nous regarde, le sourire jusqu’aux oreilles et nous dit : « J’ai un remède qui soigne toutes les douleurs et qui fait disparaître la fatigue… ». Silence dans l’assistance. Il sort alors de sa veste une petite thermos qui contient… de la Chartreuse ! Exactement ce dont nous avions besoin pour que la soirée soit parfaite.
Après cette tournée de Chartreuse ‘on the rock’, je reste quelques instants pour profiter encore un peu du paysage. Même si la nuit commence à tomber, la mer et les icebergs continuent de faire leur show. Je reste jusqu’à ce que je commence à piquer du nez. Il est temps de regagner ma tente et d’aller dormir. Et cette fois, j’ai vraiment besoin de récupérer.
Photos de la journée
