La journée commence à nouveau sous le soleil. Comme chaque matin depuis que nous sommes arrivés ici, ses rayons réveillent en chauffant les tentes.
Rituel habituel du petit déjeuner et du démontage des tentes mais cette fois, le vent sera de la partie. Il faut s’organiser un peu plus pour éviter que la tente ne s’envole.
Départ. Nous remontons un peu la vallée et prenons la direction du glacier. Aujourd’hui, nous allons marcher dessus pour passer un col et arriver dans le fjord de Qinngertivaq. Nous traversons la grande étendue de sable pour arriver au pied de la moraine de notre glacier.
Nous attaquons la montée dans les cailloux.
Photo Sandra Chaulet
Au début, tout va plutôt bien même si très vite, la pente devient raide. Les rochers sont imbriqués les uns dans les autres et sont plutôt stables. C’est un peu plus haut que ça se corse… car plus on approche du glacier, moins la moraine est stable. Donc cette fois, il faut observer, décider de la pierre sur laquelle on va poser le pied, la tester un peu et malgré tout, être prêt à ce qu’elle se dérobe. C’est une vigilance de chaque instant et c’est assez épuisant !
Doucement mais surement, nous arrivons au bout de la moraine et approchons du glacier qui s’étend à perte de vue, entouré de montagne aux teintes variées et d’où descendent des autoroutes de glace.
A 360°, le spectacle est de toute beauté ! L’intensité ne faiblit, bien au contraire : chaque jour, elle augmente pour notre plus grand bonheur.
Au bord du glacier, nous enfilons les baudriers et chaussons les crampons. Petit souci avec les miens qui, même réglés au minimum, sont encore un peu trop grands pour mes pieds de lilliputienne. Je les échange et je trouve crampon à ma taille. Dernière vérification. Nous sommes tous prêts à partir. Nous nous engageons en file indienne sur la glace.
Ce n’est pas ma première marche sur glacier mais quasi. J’essaie donc de rester concentrée, histoire de ne pas trébucher ou de me prendre les crampons dans le pantalon. Sous les pieds, ça croque, ça croustille… En chemin, nous croisons quelques jolies crevasses qui nous rappellent combien la vigilance est de mise.
La pente est douce mais le glacier monte continuellement. Après la moraine et ses rochers, c’est un peu fatigant. J’ai un petit coup de pompe et je ralentis la cadence. Peu après, nous nous arrêtons sur le bord pour déjeuner. Une pause entre cailloux et glace, au cœur des montagnes.
Nous retirons les crampons et repartons sans les remettre. Le glacier se fait moins hostile, nous pouvons marcher dessus sans nos semelles d’acier.
Cette fois, la pente s’inverse et nous entamons la descente. Le groupe s’égraine aussi un peu et les petits groupes se succèdent, les discussions accompagnant nos pas.
Il est alors temps de quitter la glace pour repartir dans les cailloux. Et nous commençons par une première partie très pénible, dans une moraine très instable. Tous les rochers semblent en équilibre. Par endroit, je préfère mettre les mains dessus pour être sûre de rester sur mes pieds. Et surtout, y aller encore plus doucement que ce matin et redoubler de vigilance. Je ne suis pas mécontente d’arriver en bas…
Mais devant nous, c’est encore et toujours de la caillasse qui nous attend. A perte de vue ! J’ai l’impression que nous n’en sortirons jamais alors que la fatigue commence à vraiment se faire sentir.
Pour me donner du courage, je jette un œil derrière moi : finalement, nous en avons déjà passé un bon morceau !
Encore un peu de courage, c’est la dernière ligne droite.
Le groupe s’étire encore un peu plus, au fil des rochers. Péniblement (pour moi en tous cas…), nous en sortons et retrouvons l’herbe… Je n’ai jamais été aussi heureuse de la revoir !
Nous marchons encore quelques minutes et voyons enfin apparaître le fjord Qinngertivaq.
Tout le mondes est rincé. Cette journée, bien que superbe, a été très éprouvante. Le Groenland nous a bien montré son visage sauvage et a testé notre résistance…
Nous nous approchons jusqu’à arriver au surplomb d’un magnifique lac. C’est ici que nous allons monter le camp pour y rester deux nuits.
A peine arrivés, et avant même de monter la tente, nous sommes deux à tenter une descente vers le lac pour nous baigner. Il reste encore une partie au soleil. Mais lorsque nous arrivons en bas, non seulement le soleil a déjà disparu mais les bords du lac s’avèrent très vaseux. Voilà qui fait nettement moins envie… Nous nous rabattons sur un petit bras de rivière qui vient se jeter dedans. Il y a certes, moins de vase mais l’eau est glaciale ! La toilette sera de courte durée ! J’en profite tout de même pour laver mon t-shirt en vitesse et je remonte vers le camp avec les doigts congelés. Je mettrai du temps à les réchauffer.
Ce soir, nous sommes un petit groupe à rester dehors pour discuter, suffisamment longtemps pour apercevoir les étoiles dans le ciel. Toujours pas de nuage à l’horizon…
Demain, pas de réveil. Ce sera jour de ravitaillement.
Photos de la journée
