Départ ce matin pour le Hornstrandir. Nous déposons nos sacs avec les affaires que nous allons laisser à la guesthouse. Passage rapide au Information Center pour confirmer l’endroit où nous devons prendre le bateau et j’en profite pour acheter une carte avec les coordonnées GPS. Cela pourrait être pratique pour repérer les cols, en cas de brouillard…
Ciel gris et brume. La météo semble ne pas se tromper même s’il ne pleut pas encore.
Nous nous dirigeons sur le port, vers une petite maison rouge. Un bateau est amarré juste à coté. Quelques personnes autour et dans la maison. Nous nous approchons pour confirmer qu’il s’agit bien de notre bateau. A ce moment, une islandaise arrive et fait sortir tout le monde de la maison : ‘Allez directement au bateau, nous partons à 9h !’ Cette femme est pour le moins directive… Pas envie d’en demander plus, nous suivons la troupe et approchons du bateau. Sur le pont, nous faisons passer nos sacs pour qu’ils soient entreposés en soute. A l’intérieur, toujours la patronne islandaise. Elle nous terrorise tellement que personne n’ose entrer. Elle surveille les gens qui s’installent… Nous finissons par avancer. ‘Attention’ me dit-elle en me montrant la trappe ouverte. Outch… J’ai l’impression de me faire aboyer dessus !
Nous nous installons sur une rangée de trois sièges. Le bateau est plein. Certains restent même sur le pont faute de places assises à l’intérieur. Diverses personnes : certains partent comme nous en autonomie, d’autres uniquement à la journée.
Nous partons. Ça tangue un peu mais tout va bien. Nous sortons du fjord et là, ça se complique. Il commence à pleuvoir et le vent semble se lever aussi. Les vagues grossissent, les creux sont plus importants. Les personnes qui étaient dehors commencent à rentrer.
Le garde-côte de Hornvik est monté à bord. C’est lui que nous devrons aller voir en arrivant, pour valider notre parcours. Très vite, il disparait à l’avant. La porte de la cale est ouverte, je l’aperçois en train de dormir sur une couchette.
Moi, je somnole aussi. Je suis calée dans mon fauteuil, je termine ma nuit. En face de moi, la cabine du capitaine où je vois une image de la côte sur un écran. Je peux suivre notre progression et on a encore un bout de chemin à faire.
Nous sommes maintenant en pleine mer. Cette fois, elle est vraiment agitée et le bateau enchaine les creux. Les montagnes russes commencent. Dans le bateau, un islandais surveille tout le monde. Très vite, il commence à sortir des sacs plastiques et à les distribuer. Edwige en prend un, au cas où. Christine et moi n’en prenons pas, tout va bien. Pour le moment en tout cas.
Mais très vite, la valse des sacs plastiques commence. Autour de nous, les gens sont malades… J’ouvre un œil. En face de moi, un monsieur est livide, son sac prêt à l’emploi. Vite refermer les yeux. Et se boucher les oreilles. C’est typiquement le genre de truc communicatif.
Ça ne se passe pas bien pour la voisine asiatique du monsieur. Dans le couloir, un autre est debout : il paraît qu’on gère mieux le mal de mer quand on est debout. En attendant, autour de moi, tout le monde vomit. L’enfer ! Je regarde la carte sur l’écran. Je ne sais pas trop où on est mais je commence à me demander combien de temps il nous reste encore à tenir.
A ma gauche, Edwige se concentre sur l’horizon, silencieuse. Christine est stoïque : elle observe tout ça avec un calme incroyable, apparemment pas touchée du tout par le mal de mer. Moi, ça va mais je n’ose pas trop bouger quand même… Et j’aimerais bien arriver rapidement.
Le marin islandais est à court de sac : vite aller en chercher d’autres dans la réserve. Ils sont plus petits. Ça fera l’affaire quand même. Et ce bateau qui n’en finit pas de tomber au creux des vagues. Ça devient apocalyptique. Un mec derrière moi est malade à crever ! Un autre à coté de moi retire son manteau, c’est pas bon signe. Et le couple en face de moi n’en finit pas d’enchainer les sacs.
Je gère toujours la situation. Je commence à avoir un peu chaud quand même. Le voyage me semble interminable.
2h30 que nous sommes partis. Et enfin nous arrivons en vue de Hornvik. Un premier groupe va descendre. Il s’agit de ceux qui ne sont là que pour la journée. Eux vont débarquer à un autre endroit.
Dehors, le temps est abominable : du brouillard, de la pluie, du vent. La totale.
Le bateau avance ensuite au fond du fjord et s’approche de la plage. Nous commençons alors à charger tous les sacs dans le zodiac. Premier aller-retour pour les décharger sur la plage.
Pendant ce temps, Christine et Edwige enfilent leurs vêtements de pluie. J’avais déjà mis les miens. C’est peut-être pour ça aussi que j’ai eu aussi chaud !
C’est maintenant notre tour de monter dans le zodiac. Il fait vraiment un temps de m… C’est le marin islandais précédemment préposé aux sacs qui le conduit. A l’approche de la plage, il saute dans l’eau et pousse le bateau sur le sable. Un par un, il nous fait descendre. Nous approchons du bord du bateau, il nous attrape la main. ‘Wait !’ Une vague passe et repart. ‘Go !’ Et là, il nous tire pour que nous sautions sur la plage.
Voilà, nous y sommes. Enfin, honnêtement, je ne sais pas trop où nous sommes. Il y a tellement de brouillard que l’on ne voit pas les falaises autour. La seule chose que je vois, c’est le sable noir. Je crois que je me souviendrai longtemps de se débarquement.
Première chose, il faut récupérer nos sacs. Ils sont tous là, sur la plage. Empilés les uns sur les autres et déjà trempés.
Puis il faut trouver la cabane du garde-côte. On ne voit rien, c’est l’enfer… On aperçoit un chemin, nous le suivons et arrivons en effet à la cabane. C’est aussi un espace où l’on peut camper. Mais nous avons prévu de marcher dès aujourd’hui pour aller à Hornbjarg. Sauf que le temps n’est vraiment pas encourageant, même si la distance à parcourir n’est à priori pas très longue.
Le couple qui a été si malade dans le bateau demande à notre marin islandais s’il y a un restaurant dans le coin… Complètement improbable ! On dirait qu’ils se sont trompés de voyages… Ici, il n’y a rien, nous sommes au beau milieu de la nature.
Nous attendons que le garde-cote soit disponible. Avec ce temps, tout le monde va le voir. Je rentre dans la cabane. Et lui explique ce que nous envisageons de faire pour les deux jours à venir. Aller à Hornbjarg, jusqu’au phare, puis longer les falaises demain et revenir ici passer la nuit. Son conseil ? Si vous comptez revenir ici, plantez la tente pour deux jours et partez marcher à la journée. Il y a une barre rocheuse à passer pour aller au phare et avec ce temps et les gros sacs, ce ne sera pas drôle.
Nous réfléchissons un peu. Pas longtemps non plus. Il pleut des cordes : nous décidons vite de planter la tente ici.
Nous tournons un peu pour trouver un endroit. Nous voulons nous éloigner un peu de la cabane mais plus loin, le terrain est complètement imbibé d’eau. Retour donc près de la cabane. Je sors ma tente et commence à la monter sous la pluie. Et au moment de fixer l’arceau… il casse net. Je me retrouve avec un morceau dans chaque main. Gros moment de solitude… Ce n’est vraiment pas une bonne journée. Il faut que je trouve un moyen de réparer l’arceau sinon, ce sera impossible de monter ma tente. Tant bien que mal, je sors ma trousse à pharmacie et l’élasto : c’est tout ce que j’ai… Je n’y crois pas trop. J’ai raison, ça ne tient pas du tout ! Et il pleut toujours autant. Mon sac ouvert est trempé ! Je sens le désespoir qui pointe en moi… Il n’y a rien ici. Comment vais-je faire sans tente ? Et là, lueur d’espoir. Christine, qui a la même tente que moi, me montre un petit tube en métal qui est livré avec… et qui sert justement à réparer. Ah oui, j’ai le même ! Je me suis toujours demandée à quoi cela servait et surtout j’ai failli plus d’une fois le jeter. Je glisse l’arceau dedans, le positionne pour relier les deux morceaux, un bout d’élasto pour maintenir le tout et hop ! Le tour est joué ! Je peux monter ma tente et me voici sauvée pour les jours à venir.
Une voix : ‘Personne pour le bateau pour Ísafjörður ?’ Si, le couple qui cherchait un restaurant. Parce qu’en plus, il n’y a rien pour s’asseoir ici. Pour eux, le voyage se résumera à un aller retour en bateau. Sachant qu’ils ont été malades durant tout le voyage aller, on leur souhaite bien du courage pour le retour.
Une fois installées, nous décidons d’aller faire un tour malgré la pluie. Nous allons marcher un peu pour repérer le chemin de demain, pour aller au phare.
Nous arrivons au niveau d’un petit estuaire. C’est marée basse et donc possible de passer mais il faudrait quand même des sandales. Que nous n’avons pas pris bien sûr. Nous tentons quand même d’avancer un peu mais nous finissons par faire demi-tour. Ok, on est trempée mais si on pouvait limiter les dégâts, ce serait bien.
Une petite percée dans la brume et nous arrivons quand même à apercevoir le col que nous devons passer demain.
Retour aux tentes. Edwige se réfugie dans la sienne pendant que Christine et moi continuons un peu à marcher. Nous longeons la côte dans l’autre sens, pour repérer le chemin de l’étape d’après-demain. Là aussi, il faudra surement tenir compte de la marée si nous ne voulons pas marcher dans l’eau.
Demi-tour et cette fois, nous nous posons toutes dans nos tentes. Il n’y a pas grand chose à faire par ce temps. Nous flemmardons.
Pas évident non plus de faire à manger : impossible de laisser le réchaud dehors, donc je fais chauffer l’eau sous le auvent de ma tente… En restant vigilante, histoire de ne pas la faire fondre. Il ne manquerait plus que ça !
Un français passe : il campe juste à coté de nous avec sa copine. Eux aussi vont marcher. Il a récupéré les infos sur les horaires des marées et nous les donne. Un peu plus tard, il nous interpelle à nouveau : un renard arctique rode près des tentes. J’ouvre la mienne et le vois s’approcher : il est à 50cm de moi ! Pas le temps de faire une photo, il est déjà parti faire le tour des autres tentes, avant de s’éloigner vers la plage. Bon… Il va vraiment falloir rentrer toutes nos affaires ce soir : les lascars ne sont pas du tout farouches on dirait.
La pluie tombe toujours et chacune de nous mange dans sa tente. Pas super conviviale… mais nous nous interpelons à travers nos tentes de temps à autre. Finalement, ça ne va pas si mal 🙂
Thé pour terminer le repas. Et une goutte de rhum dedans. J’ai un peu mal à la gorge, je crois que j’ai attrapé la crève de mes petits camarades. Vite l’enrailler avant que cela n’empire…
Puis tout le monde s’endort au son des gouttes d’eau sur les tentes.