Ciel brumeux et fine pluie… Voilà ce que nous découvrons au réveil. Ça tombe mal… mais cela peut encore changer. Les jours précédents, nous avons vu les sommets d’Askja se couvrir et se découvrir dans une seule et même journée. Restons optimistes.
Nous prenons nos affaires et essayons de descendre en faisant le moins de bruit possible pour éviter de réveiller tout le dortoir. Ceci dit, nous ne sommes pas les seules à nous lever tôt et tout le monde n’est pas forcément discret. Nous déjeunons, préparons les en-cas, faisons le plein d’eau… Bref notre rituel de tous les jours.
Edwige est soucieuse… Avec cette brume, est-ce bien prudent de partir ? Si cela ne s’améliore pas, nous irons demander conseil aux gardiens. Attendons la fin du petit déjeuner pour aviser.
Nous ne voulons pas prendre cette étape à la légère. Aujourd’hui , nous allons pénétrer au cœur d’Aksja, longer la crête, traverser les caldeiras, passer le col de Jónsskarð pour enfin redescendre dans la vallée. Une étape pas plus longue que les autres, 21km, mais qui s’annonce quand même plus difficile de part le dénivelé et le terrain.
Nous sortons et chargeons nos gros sacs : c’est le départ ! Petit coup d’œil sur le ciel : la pluie s’est arrêtée au moment où nous sommes sorties et la brume commence à se dissiper. Un signe… ? Sur le passage, petit coup d’œil à Drekagil sur la gauche. Nous n’avons même pas pris le temps d’aller voir de plus près. Et là, on ne peut pas traîner. Tant pis !
Nous passons devant le bâtiment des gardiens. A la porte, celui que nous avons vu à Herðubreið. Nous le saluons. Pas sûre qu’il se souvienne de nous… A coté, la cabane des secouristes…
… et nous voici face au chemin qui monte et s’enfonce dans l’antre de la bête…
A froid, la montée est raide ! Je m’arrête à mi-chemin, jette un œil derrière moi : la vue est splendide. On voit le vent qui soulève la poussière et cela donne l’impression que la brume recouvre le camp de lave. On comprend mieux pourquoi nous étions couvertes de poussière hier en arrivant. On ne se rendait pas compte sur le coup !
Nous arrivons en haut. A droite, les montagnes sombres : l’enfer.
Face à nous, des montagnes marrons, le sol couvert de pierres.
Nous enchaînons les montées mais elles sont nettement moins raides que la première. Nous avons trouvé notre rythme, avançons d’un bon pas… et nous arrêtons régulièrement : nous sommes époustouflées par les paysages qui nous entourent. Nous croisons des blocs de lave, énormes, éparpillés ça et là.
Désert. Hostile. On ne serait pas étonnée de voir sortir un ptérodactyle de derrière la montagne. La terre-mère à l’état brut.
Nous voici seules, au cœur des éléments. Encore plus que les jours précédents. Cette fois, nous prenons vraiment conscience de la force qui nous entoure. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises…
Petites, toutes petites ici. Et humble. Forcément.
Derrière nous, un peu plus loin, nous apercevons trois personnes qui suivent le même chemin. On dirait les trois italiens qui étaient au refuge. Sans sacs. Ils partent uniquement pour la journée dirait-on.
Le vent s’est levé. Nous marchons depuis un petit moment et décidons de faire une pause. Nous nous abritons derrière un énorme bloc de lave noire. Les trois italiens arrivent à notre niveau. Ils nous demandent si nous traversons les Highlands. Non, juste le Öskjuvegur. Nous discutons 5 minutes et ils nous souhaitent bon voyage avant de continuer leur route.
Nous leur emboitons la pas quelques instants plus tard. Cette fois, ça souffle bien. Capuche, planté de bâtons : nous bravons le vent.
Nous arrivons sur une petite crête. Le passage est encore plus venteux. Je perds un peu l’équilibre : entre le vent qui me pousse sur le coté et le poids du sac, je trébuche. Je mets un genoux à terre pour reprendre mon équilibre et ce n’est pas une bonne idée : dur, dur de se relever.
Montée. L’avantage du vent, c’est qu’il nous pousse. Je m’appuie contre lui et je me laisse porter. Rythme constant. Nous voici à 1300m ! Allez, ça vaut bien une photo !!
On a le sourire. Nous pensons avoir fait une grosse partie du travail… On se trompe mais on ne le sait pas encore…
Encore quelques pas et au détour d’une colline… Öskjuvatn apparaît !!
Cette image, je l’ai rêvée des centaines de fois mais la réalité est bien au delà de tout ce que j’ai pu imaginer. Le lac, immense, s’étend devant nous, la surface est balayée par le vent et l’on devine de petites vagues. Nous profitons du spectacle quelques instants et commençons la descente. Nous allons longer la caldeira et le lac.
Autour de nous, des pierres de toutes les couleurs jonchent le sol, comme tombées du ciel…
… ainsi que quelques timides traces de mousse et de lichens ici et là.
Nous suivons le chemin. Devant nous, une petite étendue de neige. Cela nous fais forcément penser à celles que nous avons croisées l’année dernière en Hornstrandir. Enfin, à l’une d’entre elle en particulier, où certaines d’entre nous ont testé la glissade sous toutes ses formes… Je décide de l’éviter en le contournant. Je cors un peu du chemin et avance. C’est en pente et je me retrouve à marcher dans les pierres ponces et autres débris de lave. A peine sortie du chemin, je ne sais pas ce que je fais au juste – ai-je posé mon pied de travers… ?- je sens que je perds l’équilibre. Et là, alors que je n’ai pas vraiment l’impression que je vais tomber, je me penche, je m’affaisse… et m’étale tout doucement de tout mon long dans les pierres, un peu aidée par mon sac. Je n’ai rien vu venir ! Edwige est un peu étonnée… Aucune difficulté à cet endroit, c’est incompréhensible… ! En effet. Je me suis un peu égratignée la main, rien de très méchant. Ça me fait surtout rigoler.
Nous continuons de longer la caldeira et sentons comme une petite odeur de souffre… Un peu plus loin sur la droite, nous découvrons une zone de solfatare. La fumée, voilà donc d’où venait cette odeur et cette chaleur qui nous enveloppe tout à coup… Après avoir traversé une zone lunaire et déambulé au milieu de paysages sombres, enfin quelques touches de couleurs jaune et rouge.
Nous passons en-dessous et arrivons cette fois dans une zone ou se mêlent le rouge et le noir. Un noir intense : le contraste est énorme, l’endroit assez lugubre. Nous traversons une coulée de lave plus récente on dirait…
Autour de nous, toujours ces silhouettes pétrifiées, ces fantômes sortis tout droit d’un autre monde.
Nous abordons une descente un peu raide. Le sol n’est est sableux, nous prenons notre temps pour poser correctement nos pieds et éviter de glisser. Avec le sac qui nous pousse, ce n’est pas forcément évident et il vaut mieux prendre son temps : en-dessous, la marche est un peu haute. Planté de bâton, un brin de vigilance et ça passe.
Devant nous, on devine Víti. Les trois italiens reviennent en sens inverse et s’arrêtent à nouveau. Ils sont allés jusque Víti et se sont baignés dedans. C’est aussi ce que nous souhaitons faire, même s’il y a pas mal de vent. A ce moment, je me souviens avoir bien rangé ma serviette tout au fond de mon sac… Riche idée…
Rapidement ensuite Víti apparait. Un peu plus sur la droite, les touristes aussi font leur apparition. La site est accessible en voiture, le parking est un peu plus bas. Choc entre deux mondes : nous voici avec nos gros sacs, arrivant par le bas et tous ces touristes en haut… qui du coup se mettent à descendre en nous voyant, pour s’approcher du cratère. Chaussés de baskets de ville, sur la neige. Ils n’ont pas remarqué qu’on n’avait pas tout à fait le même équipement qu’eux et que nous n’arrivions pas non plus du même coté… Ils ne semblent pas non plus conscients que leurs chaussures n’accrochent rien sur la neige (la nana fait de tous petits pas en essayant tant bien que mal de garder l’équilibre) et que s’ils glissent, la pente les amènera directement au bas de Víti. Baignade assurée !
Víti… le voici sous nos yeux. Ses parois marrons, son eau bleue, laiteuse…
Et ses pentes raides… très raides ! Nous repérons l’endroit où l’on peut descendre mais c’est quand même très incliné cette affaire… Le vent souffle aussi assez fort. Et quand je vois que la nana en basket est descendue en voyant qu’on était plus bas, je me dis qu’elle est capable de nous suivre dans la pente avec ses petites chaussures. Les conditions ne sont pas vraiment réunies pour qu’on aille se baigner… Aller barboter avec tous ces spectateurs, je vais m’en passer. Edwige n’est pas emballée non plus. On renonce à descendre.
Nous voulons nous poser pour manger un morceau mais nous sommes en plein vent. Du coup, nous décidons de continuer un peu notre route et de nous diriger vers le parking. Sur le chemin, nous croisons pas mal de touristes qui nous regardent un peu interloqués…
Nous traversons une grande étendue noire, mélange de sable et de scories. Autour de nous, quelques touches de couleurs : jaune d’un coté…
… rouge en face de nous…
Le vent souffle en rafale et nous nous prenons quelques bonne giclées de cailloux qui cinglent comme il faut. Arrêt juste avant le parking pour déjeuner. Nous trouvons un endroit un peu en retrait, derrière un bloc de lave, à l’abri des touristes et du vent. Enfin presque… Cela n’arrête pas complètement les rafales de vent et les giclées de cailloux : nos sandwichs sont croustillants à souhait…
Nous ne nous arrêtons pas très longtemps car nous avons encore un bon bout de chemin à faire avant d’arriver au refuge. Nous voulons aussi profiter du temps relativement dégagé pour passer le col de Jónsskarð.
Devant nous, un immense champ de lave, bien plus récent que tous les précédents. Aucun lichen n’est encore venu recouvrir la lave. Ce n’est qu’un enchevêtrement de blocs, de coulées, une lave friable et acérée.
C’est parti. Nous devons traverser toute cette étendue… Nous visons les gros blocs, évitons de nous frotter de trop près à la lave…
Ce n’est pas le terrain le plus agréable et ce n’est drôle que 5 minutes. Rapidement, nous décidons de marcher en dehors du champ, dans la neige qui est encore présente au pied des montagnes. Certes, marcher dans la neige, ce n’est pas top non plus mais c’est toujours mieux que ce chaos de lave, y compris pour les semelles de nos chaussures !
Au moins, nous avançons à un meilleur rythme.
Les marques ont disparu depuis longtemps mais nous croisons tout de même un panneau indiquant la direction de Dingjufell :12km. En effet, il nous reste un petit bout de chemin à parcourir…
Sur la route, à nouveau des blocs éparpillés de part et d’autre au pied des montagnes…
… mais aussi au bord du champ de lave, jetés ça et là au milieu du sable noir…
La traversée est longue. Je commence à fatiguer. Mon sac pèse de plus en plus et je commence à avoir mal au pieds. Coup de mou. Je m’arrête régulièrement pour faire des micro-pauses. Edwige ouvre la marche et avance bien. Elle me motive, c’est l’avantage de ne pas être seul.
Coup d’œil à la carte et au GPS : nous ne sommes plus très loin du col. En effet, nous apercevons à droite un piquet jaune qui indique la montée. Courage… Nous ferons une pause juste après, histoire de grignoter quelque chose avant d’enchainer les derniers kilomètres.
Pour le moment, il faut monter dans la neige. J’ai les jambes en coton. Edwige m’encourage. Je peine vraiment. Je me motive, je ne lâche pas. Le sommet est proche, la pause se rapproche.
Plus nous montons, plus le vent se renforce. Heureusement, on l’a dans le dos, ça nous aide pas mal. Enfin… ça souffle quand même très fort. A quelques mètres du sommet, je dois me cramponner un peu en plantant à fond les bâtons dans le sol pour ne pas être poussée en avant. Il faut passer le col, ça ira mieux après. Mais ce ne sera pas si simple, nous n’allons pas tarder à le savoir…
Nous sommes à deux pas du col. Dernière ligne droite. Nous faisons les derniers pas et là… L’enfer commence. Le vent souffle en continu et extrêmement fort. Nous sommes prises de cours, par surprise. Deux pas en arrière, on ne s’attendait pas à ça. Le vent me pousse, me soulève. Mes bâtons sont plantés à fond dans le sol, en opposition. Je lutte pour rester debout… A coté de moi, Edwige subit le même sort…
Tout à coup, une masse noire passe au-dessus de moi et s’envole au loin. Ma veste. La housse de mon sac s’est décrochée et je l’avais coincée dedans… Mauvaise idée… Quand je comprends qu’il s’agit de ma veste, il est déjà trop tard. Le vent fou de Jónsskarð l’a déjà emporté au loin, très loin. Nous ne pouvons que la regarder s’éloigner impuissantes. Je suis bien trop occupée à tenter de rester debout pour lui courir après… Courir… Je n’y pense même pas… A ce moment, le sort de ma veste m’est bien égal, je suis trop consciente que les choses ne se passent pas du tout comme prévu et que la situation est plus que délicate.
Tant bien que mal, nous essayons d’avancer. Un pas et on trébuche. Un autre pas, le vent réussit à prendre le dessus et nous met à terre. Me voici à genoux, Edwige aussi. Nos regards se croisent : incrédulité.
Nous nous relevons, tentons à nouveau d’avancer. Le vent m’enveloppe, me pousse en avant. Je sens que je tombe. Je suis le mouvement et me retrouve à nouveau à genoux, ma tête s’arrêtant à quelques centimètres du sol et des pierres. Edwige s’inquiète. Non, je vais bien. Elle s’écroule aussi à quelques mètres de moi. Une énorme bourrasque de vent balaye le sol, charriant de la neige et des cailloux. Je me camoufle comme je peux. C’est passé. Edwige a la main en sang, écorchée par la neige et les cailloux que nous avons reçus. Coupures superficielles mais c’est impressionnant quand même. Nous nous relevons et nous écroulons l’une à coté de l’autre. On est un peu sonné par ce brusque coup de vent et nous sommes un peu déboussolées. De quel coté devons-nous aller ? En face ? Nous ne sommes plus très sûres. A ce moment, tout va très vite dans ma tête. Je prends conscience que la situation est dangereuse et que tout peut basculer rapidement.. Que peut-on faire ? Est-ce qu’on ne devrait pas appeler les secours ? Les secours, ici ? Cette idée me traverse l’esprit mais je l’oublie aussitôt : avec ce vent, impossible de venir nous récupérer. Pas le choix, il faut qu’on sorte de cet endroit d’une manière où d’une autre… Nous reprenons notre souffle. ‘Qu’est-ce qu’on fait ?’ je demande. ‘On sort d’ici !’ me crie Edwige. ‘Oui mais comment ??’ ‘On va par là, on contourne’ dit-elle en indiquant notre droite. ‘Non, le vent nous pousse par là, on va se fracasser de l’autre coté de la montagne. Il faut qu’on traverse le couloir’. Facile à dire… Edwige jette un œil au GPS. Ok, nous devons bien aller tout droit. Et en effet, nous apercevons un bout de piquet cassé au milieu de rochers. Par contre, on ne voit pas plus loin que le bout du plateau : espérons que la descente ne soit pas raide… Si oui, avec ce vent, on va plonger… Bon. Allons-y par étapes. Un peu plus loin, un tas de rochers au milieu de la neige. ‘On va jusque là-bas’ dit Edwige. ‘Ok ?’ ‘Ok !’ je réponds. Nous sommes incroyablement calmes. Peut-être un peu abasourdies par la rapidité à laquelle les choses s’enchainent. ‘Prête ?’ me demande Edwige. ‘Oui, prête !’. Edwige décide d’avancer sur les cailloux. Moi, je préfère rester sur la neige. Je me lève. Ne pas essayer d’aller à l’encontre des éléments. Ils sont plus forts. Au contraire, se laisser guider par eux, aller dans le même sens. Appliquer les principes du Tai Chi. Donc j’essaie juste de rester debout et je me laisse pousser par le vent. Je m’appuie contre lui. Nous arrivons au niveau des rochers. Nous les contournons et nous asseyons derrière. Et là… incroyable. Le vent cesse immédiatement. Nous sommes sorties du couloir de la mort. Ce fut bref mais intense. Et violent. On se regarde. On souffle, on reprend nos esprits. Nous avons la même pensée : nous sommes vivantes. Edwige sort une pâte d’amande de sa poche : il faut reprendre des forces. Après cet épisode rocambolesque et le petit coup d’adrénaline, il ne manquerait plus qu’on fasse une hypoglycémie !
Moi qui était complètement vidée avant d’arriver au sommet, j’ai réussi à puiser des ressources je ne sais où… A vrai dire, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. Il fallait y aller. A aucun moment nous n’avons perdu pied. Nous avons gardé notre sang froid et n’avons pas cédé pas à la panique. Je ne sais pas comment nous avons fait.
Assise derrière notre rocher, je jette un œil autour de moi, des fois que j’aperçoive ma veste quelque part… Peine perdue. En face de nous, les piquets ont refait leur apparition et indiquent le chemin pour redescendre dans la vallée. C’est bon de les voir ceux-là. Sympa de nous faciliter un peu la tâche à partir de maintenant.
Après cette petite pause bien méritée, nous nous remettons en route. Il nous reste encore 10km à parcourir. Ce n’est pas le moment de ralentir, il faut se remotiver. Nous traversons la dernière partie du plateau et une grande étendue de neige quasi fondue. Un peu d’humidité pour couronner le tout, ça manquait… Et de nouveau une lave très noire. Alors que nous traversons cette étendue, le ciel s’obscurcit. On dirait qu’il fait nuit. Étrange ambiance… Qu’est-ce qui va nous tomber sur la tête ?
Nous arrivons au bout du plateau : pas de ravin comme nous avions pu l’imaginer. Au contraire, une descente douce au travers des rochers. Nous commençons la descente. Nous ne parlons pas. Nous n’avons pas repris tous nos esprits et nous commençons aussi a ressentir les premiers vrais signes de fatigue.
Le sol n’est pas top. Jonché de pierres, c’est très chaotique. Nous devons être vigilantes et bien regarder où nous posons les pieds. J’avance un peu comme un zombie au milieu du dédale de lave. Un pied devant l’autre. C’est long.
Petit à petit, le sol devient moins chaotique. Nous arrivons près d’une rivière boueuse qui serpente dans un paysage noir de corbeau. Puis la vallée apparaît à son tour. Enfin. En bas, la rivière s’étend tout du long. Autour de nous, des roches jaunes, roses…
Mais un paysage tellement lunaire par ailleurs…
La descente est un peu raide. En bas, nous nous arrêtons quelques instants. Cette fois, nous en avons marre. Fatiguées. Coup d’œil au GPS : le refuge ne devrait plus être très loin, même si nous ne le voyons pas encore. En effet, une pancarte l’indique enfin. Comme c’est bon de la voir celle-ci !
Nous devons marcher encore un peu dans le sable, le long de la rivière. Rivière que nous devons traverser. Elle n’est pas haute mais il y a suffisamment d’eau pour que cela passe par-dessus les chaussures. Je tente de sauter sur des îlots de sable par-ci par-là, en espérant ne pas avoir à déchausser. Peine perdue. Il faut se rendre à l’évidence. Nous retirons nos chaussures. Après une journée comme celle-là, nous n’avions vraiment pas envie de finir la journée par une traversée à gué ! L’eau est gelée en plus !! Quand je remets mes chaussures, je ne sais pas trop si j’ai mal aux pieds parce que j’ai beaucoup marché ou si c’est à cause du froid.
Dernière ligne droite. Dernière ? C’est ce que je me dis depuis 1h pour me donner du courage… Cette fois, nous sommes sur une petite colline dont le sol est jonché de pierres roses. C’est superbe, voilà un spectacle qui réconforte. Et enfin nous apercevons le refuge. Un peu plus loin, posé au bord de la rivière. De l’autre coté de la rivière. Nous regardons autour de nous : n’y a-t-il vraiment pas un moyen de passer ? Edwige va voir un peu plus loin. Moi, je me résigne et déchausse. Je n’ai qu’une hâte : me poser dans le refuge. Edwige fera finalement de même.
Enfin arrivées ! Le refuge est basique mais parfait après cette longue journée de marche. 11h que nous sommes parties de Dreki… Nous nous installons et sortons nos affaires. Qu’il est bon de se poser ! Nous feuilletons le guestbook. Des gens sont passés ici hier et les jours d’avant. Pourtant, nous n’avons croisé personne. Mais une vague piste mène jusqu’au refuge. Ceci explique peut-être cela. Par contre mauvaise surprise : il n’y a pas d’eau ici. Merci pour l’information les gardiens de Dreki… Je vais faire un tour du coté de la rivière. Un bidon ! Je l’ouvre : ok, l’eau est trop sale, impossible de la boire. Du coup, je prends de l’eau à la rivière. Elle est boueuse mais en la filtrant, on devrait s’en sortir. Bien sûr, nous n’avons rien pour filtrer… Opération PQ…
Le résultat est correct. Ce sera suffisant pour la soupe et les pâtes de ce soir. Par contre, ça va prendre du temps de filtrer plusieurs litres d’eau pour nos gourdes de demain !
Nous parlons de l’épisode de Jónsskarð… Je suis un peu remontée contre les gardiens islandais. Outre l’information fausse sur l’eau au refuge, à aucun moment ils ne nous ont alertées sur les difficultés que nous pourrions rencontrer ou sur les conditions météo, en particulier au col. Pourtant, j’avais bien posé la question au gardien de Herðubreið et c’est bien ça qui me met en rogne ! Ce n’est vraiment pas faute d’avoir préparé ce trek et de s’être renseignées avant ! Enfin… La tension est aussi due au fait que nous avons vraiment eu peur là-haut.
On est crevé, on se couche.
Dehors, le vent s’est à nouveau levé et souffle fort. Espérons qu’il tombe un peu demain, quand nous traverserons Ódáðahraun…